jeudi 27 octobre 2011

La privatisation de la filière café au Burundi : le cri des caféiculteurs

Un caféiculteur Burundais pendant la récolte
 Le gouvernement a l’intention de lancer un nouvel appel d’offres pour la vente des stations de lavage restantes sans aucune révision participative de la stratégie de privatisation. C’est pourquoi caféiculteurs, réunis au sein de la CNAC et les organisations qui les soutiennent ont décidé de changer de stratégie.
Ils vont tenter d’expliquer une dernière fois leurs préoccupations sur la stratégie actuelle aux ministres et aux membres des commissions parlementaires concernés.
Sur terrain, les producteurs de café s’organisent pour vendre leur cerise au mieux offrant : c’est-à-dire les Sogestals et tous les autres privés sauf Webcor. En outre, beaucoup de coopératives de café sont en train de construire leurs propres stations de lavage sans ou avec l’aide des bailleurs de fonds internationaux qui soutiennent les revendications des caféiculteurs.
Webcor et les investisseurs potentiels doivent comprendre que les producteurs de café ne se laisseront pas faire. Ceux qui démontrent qu’ils ne veulent pas donner un prix correct aux caféiculteurs et qui contribuent par conséquent à l’appauvrissement d’un peuple sortant de la guerre civile, ne vont pas rentabiliser leurs investissements. Ils ne vont jamais recevoir assez de cerises de café.
Les producteurs revendiquent :
* Le gel du second appel d’offre pour la vente des stations aux multinationales extérieures, tant que les acteurs concernés ne se sont pas concertés quant à la meilleure stratégie de privatisation à mettre en œuvre
* Que la Banque Mondiale revoie les conditions de soumission aux appels d’offre, qui excluent de fait les caféiculteurs burundais, non seulement du processus de décision, mais aussi de l’acquisition de stations
* Que l’Etat burundais et ses partenaires reconnaissent la propriété des stations aux caféiculteurs, qui les ont remboursées via la taxe prélevée par l’Etat sur leur café
* La CNAC appelle également de ses vœux une stratégie alternative de la part de l’Etat burundais et de la Banque mondiale qui permettrait de dégager des moyens pour appuyer les paysans pour améliorer la ductivité de la filière
* La révision de la stratégie actuelle de privatisation pour intégrer toutes leurs préoccupations.
Contexte : le Burundi, 3ème pays le plus pauvre de la planète, tire 80% de ses recettes d’exportation du café qui constitue la principale source de revenus pour près de 750.000 familles, soit près de 55% de la population burundaise. Les 145 usines de lavage du café constituent le principal tissu industriel du pays.
En 2005, la Banque Mondiale exige le démantèlement total de la filière et la privatisation des 133 usines de dépulpage publiques, ce qui permettra de contrôler l’exportation du produit.
Précisons que, depuis des décennies, une taxe de 60 Fbu/kg de café-cerise est prélevée auprès des producteurs pour rembourser la dette contractée par l’Etat à l’époque de la construction des stations de lavage dans les années ’80. Les caféiculteurs considèrent donc que les stations dont ils ont remboursé le prêt leur appartiennent au moins partiellement, si ce n’est pas en totalité.
En 2009, la Banque mondiale décide de conditionner ses aides prévues au budget national (51% du budget ordinaire burundais en 2009 !) et à divers programmes au lancement de l’appel d’offre tel que proposé par diverses études qu’elle avait commanditées.
Le Gouvernement est bien obligé de se plier à ces injonctions et lance un premier appel d’offres. Malgré les protestations des caféiculteurs, le Groupe suisse WEBCOR se voit attribuer trois lots, soit 13 stations de dépulpage et de lavage au prix d’un million de dollars, un prix d’achat dérisoire si on sait que l’Union européenne avait injecté en 2008 la somme de 19 millions d’euros pour la seule rénovation des 133 stations de lavage.
Les producteurs réunis au sein de la CNAC se voient dépossédés de leur outil de transformation saisissent la justice, mais aussi demandent un dialogue avec le Gouvernement. C’est ainsi que le 20/1/2011, un atelier de concertation et d’échanges sur cette privatisation a réuni tous les intervenants dans la filière avec comme thème, « Un consensus est possible ». Les structures gouvernementales qui étaient présentes à cet atelier sont le Ministère à la Présidence chargé de la bonne gouvernance et de la privatisation, l’ARFIC, le comité des réformes de la filière café et le SCEP.
A l’issu de cet atelier, des engagements avaient été pris par les représentants du gouvernement notamment :
* La révision participative de la stratégie de privatisation encours avant le deuxième appel d’offre, en y intégrant les préoccupations des producteurs (la stratégie n’est pas une bible)
* L’évaluation objective de la première vente pour tirer les leçons appropriées.
Le 11/2/2011, une émission radio a été diffusée sur les antennes de six radios et les représentants du gouvernement ont repris les mêmes engagements.
En outre, l’un des objectifs principaux annoncés dans la stratégie de désengagement de l’Etat dans la filière café est l’amélioration du prix au producteur. Or, dans les provinces où Webcor a acquis des stations, la situation est aujourd’hui au bord de l’implosion et de la révolte populaire, car la multinationale paie le café aux producteurs à un prix nettement inférieur à celui des usines contrôlées par les autres acteurs de la filière.
Elle a en effet payé lors de la dernière campagne, 350 FBU/kg de cerise contre 490 FBu payé par les autres acteurs. La CNAC dénonce cette pratique d’achat à bas prix met en garde le gouvernement sur ce risque de révolte populaire pour réclamer le droit le plus élémentaire des producteurs.

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